08Déc

Reprise d’un article paru sur courrier cadre auquel nous avons eu la plaisir de participer

La reprise pointe son nez et les chasseurs de têtes sont aux aguets. Mais à quoi ressemblent les commerciaux qui plaisent : chasseurs, éleveurs ou clones? Typologie d’une fonction très courtisée.

Pôle Emploi, connais pas!” À l’heure où nombre de cadres au chômage peinent à se recaser, Guillaume est euphorique. Victime d’un plan social en début d’année, il n’a eu besoin que de cinq semaines pour décrocher un job de responsable des comptes-clés. “Avec tout ce que l’on entend sur la situation économique, je ne m’imaginais pas retrouver un travail si vite”, confie le jeune Marseillais. Les chiffres officiels l’attestent : la fonction commerciale est plutôt épargnée par les difficultés sur le front de l’emploi. Selon l’Apec, c’est dans ce métier que les recrutements de cadres seront cette année les plus nombreux, avec des estimations oscillant entre 28000 et 31000 embauches. Alors que les cadres financiers, administratifs et techniques devraient tous être plus ou moins affectés par une baisse des recrutements, l’Apec espère que la stabilité sera de mise pour la fonction commerciale. Les employeurs et recruteurs que nous avons interrogés le confirment : la reprise s’annonce et les entreprises ont, plus que jamais, besoin de collaborateurs pour les aider à remplir leurs carnets de commandes. À condition toutefois qu’ils soient disposés à aller au charbon, à repartir à la conquête des marchés perdus. Telle est la principale attente des employeurs en cette période de sortie de crise. Reste que le marché de l’emploi des commerciaux n’a rien d’uniforme. Découvrez les profils qui ont la cote en 2010.

DES “CHASSEURS” TRÈS POURCHASSÉS

Ce n’est pas une surprise en soi : les entreprises ont toujours eu le béguin pour les vendeurs capables d’attirer des prospects dans leur escarcelle. Denrée rare par définition, cette catégorie de commerciaux préférant défricher de nouveaux territoires plutôt que de développer les comptes existants est particulièrement recherchée. “Sauf que cette tendance de fond prend aujourd’hui des proportions jamais atteintes, relève Pascal Larue, dirigeant du cabinet ImpactUp. Avant la crise, environ 50% de nos missions concernaient des recrutements de chasseurs. Actuellement, nous en sommes au moins aux deux tiers.” Le vocabulaire utilisé par les employeurs est d’ailleurs très caractéristique de leurs attentes profondes. “Au moment d’établir le profil idéal, le terme de « guerrier » revient souvent dans les discussions”, note Henri Neyrand, le patron du cabinet de recrutement Elitis. Nos clients parlent aussi de combattants prêts à mordre parfois la poussière.” Directeur du développement de la branche électronique de Securitas, Francis Serrano enfonce le clou : “Il y a quelques années encore, nous pouvions nous satisfaire de commerciaux qui se prétendaient chasseurs, mais qui s’appuyaient en fait sur la renommée de notre marque pour décrocher de nouveaux contrats. Aujourd’hui, c’est terminé. Nous avons besoin de véritables prospecteurs, des gens suffisamment résilients pour supporter de nombreux refus avant une victoire…” Ce type de profil a d’autant lus la cote qu’il ne court pas les rues. “On peut même parler d’un vrai trou de marché, estime Évelyne Platnic Cohen, la fondatrice de Booster Academy, une société d’entraînement intensif à la vente. Les commerciaux B to B habitués à placer 10 à 30 contrats par mois sur des secteurs tels que la téléphonie ou la bureautique ont, par exemple, un vrai boulevard devant eux en ce moment.”

DES “ÉLEVEURS” SUPER COURTISÉS

Bien que l’attrait pour les chasseurs soit exacerbé en cette période où les nouveaux clients sont si durs à convaincre, certaines entreprises préfèrent au contraire se reposer sur leurs éleveurs. “Nous attachons une importance toute particulière à la qualité de la relation client développée par nos commerciaux, explique ainsi Christophe Rigault, directeur commercial grands comptes d’Amadeus Hospitality, éditeur de logiciels pour le secteur de l’hôtellerie. Nous voulons des professionnels capables de conserver un contact étroit et privilégié avec nos clients, afin de garantir en premier lieu leur satisfaction totale, mais aussi d’être en première ligne quand ils recommenceront à s’équiper. Il est de notre devoir de conseil de rester en contact permanent avec nos clients pour leur faire part des nouvelles solutions que nous créons.” Mais, si utiles soient-elles, “les missions de développement de la relation client sont avant tout confiées aux collaborateurs déjà en place dans l’entreprise, prévient Nicolas Massy, du cabinet Attitudes. Les recrutements d’éleveurs restent donc très inférieurs à ceux des chasseurs.”

DES “EXPERTS” PARTOUT RECHERCHÉS

Lorsque les carnets de commandes se remplissaient sans trop de peine, la plupart des entreprises privilégiaient avant tout la connaissance du secteur au moment de recruter leurs vendeurs. On assiste aujourd’hui à un recentrage sur les compétences commerciales pures et dures. “Le taux de transformation étant plus faible qu’ il y a quelques années, nous cherchons des gens capables de déceler les besoins non exprimés des clients existants et d’identifier les prospects à potentiel, précise Guillaume Orsel, responsable des ventes Sud-Est de Keyence, l’un des leaders mondiaux de l’automatisation industrielle. Cela demande onc un background commercial très solide.” Un constat nuancé par Henri Neyrand, directeur d’Elitis, qui remarque que “les employeurs exigent surtout des moutons à cinq pattes. C’est-à-dire des experts ultra pointus dans un domaine précis qui soient également de vrais chasseurs dans l’âme. Cela étant, les candidats de ce type étant souvent introuvables, ceux qui ne répondent pas à la totalité des desiderata parfois délirants des entreprises conservent leurs chances…”

DES “ULTRA SPÉCIALISTES” QUASI INTROUVABLES

Tous les professionnels du recrutement interrogés lors de notre enquête confirment que les exigences des employeurs sont montées d’un cran avec la crise. “Comme ils ont souvent des doutes quant au retour sur investissement de leurs embauches, ils visent une sorte de triptyque magique, commente Nicolas Massy, directeur associé du cabinet Attitudes. À savoir une parfaite connaissance du secteur d’activité, de la clientèle visée et de la zone géographique couverte. Une denrée si rare que les candidats qui affichent au moins deux critères sur trois partent déjà avec un avantage déterminant.” Directeur commercial chez Cap ensoria, spécialiste de l’organisation de séminaires, Yves Bourgois reconnaît à demi-mot cette tentation de ’éléphant blanc : “Nous n’avons ni le temps ni les moyens de former des commerciaux dans l’espoir qu’ils eviennent opérationnels d’ici six mois ou un an. De ce fait, seuls les véritables experts de notre secteur sont usceptibles de nous intéresser.” Et si ledit spécialiste peut en outre se présenter avec un portefeuille de lients qui ne demanderait qu’à être réactivé, la partie est quasiment gagnée d’avance.

DES “CLONES” DIFFICILES À ATTIRER

Traditionnellement appréciés des employeurs, les clones du collaborateur à remplacer sont carrément vénérés ces temps-ci. Guillaume Orsel en convient, tout en assumant ses préférences: “Pour rapporter du nouveau business, on n’a encore rien trouvé de plus efficace qu’un commercial ayant déjà exercé son métier dans le même secteur que le nôtre, argumente le responsable des ventes de Keyence. ’est donc uniquement par pragmatisme que nous privilégions ce que certains appellent des clones.” Cette tendance naturelle est en passe d’atteindre son paroxysme. “Peu d’entreprises échappent à cette tentation, relève ainsi Olivier Guichardon, le directeur du site jobmarketingvente.com. Elles estiment que le marché de ’emploi joue en leur faveur, leur permettant d’exiger la perle rare, opérationnelle dès le premier jour. La réalité est toutefois plus contrastée, puisque les clones sont presque toujours des gens en poste qui rechignent à bouger en ce moment.”

DES “SENIORS” ENCORE TRÈS APPRÉCIÉS

La prise en compte de l’âge d’un candidat étant strictement interdite dans un recrutement, les quinquagénaires gardent toutes leurs chances. Voilà pour la version officielle. “Dans la pratique, cela fait vingt ans que je fais ce métier et vingt ans que les clients me demandent des trentenaires”, regrette Dominique Balland, le fondateur du cabinet éponyme. “Certes, mais la situation économique tend tout de même à changer légèrement la donne, se réjouit Nicolas Massy, directeur d’Attitudes. À l’heure où les entreprises ne jurent toutes que par les candidats immédiatement opérationnels, l’image erronée du senior eu dynamique est parfois compensée par la valeur que lui confèrent toutes ses années d’expérience.” Et si, finalement, les commerciaux ayant la cote étaient simplement… les bons commerciaux?